A l'affiche d'
Inception, le film choc de Christopher
Nolan, en salle le 21 juillet, l'acteur se confie au "Point".
Manifestement, il n'a pas dormi de la nuit. Mais c'est un Leonardo
DiCaprio d'excellente humeur, en jean baggy et tee-shirt, qui s'exprime
sur son nouveau film,
Inception, réalisé par Christopher Nolan (
lire notre critique). L'homme qui réinventait le
super-héros dans
The Dark Knight, dernier volet de la saga
"Batman", réussit avec
Inception un film à entrées multiples où
le personnage incarné par DiCaprio est doté d'une technologie qui lui
permet d'entrer dans les rêves des autres. "Un thriller d'action qui
repose sur un élément de science-fiction", dit-il. Leonardo renchérit :
"Inception est un film comme vous n'en n'avez jamais vu." En exclusivité
pour Le Point, la star parle de cette "expérience" et livre sa méthode
d'acteur.
Le Point : Inception repose sur un scénario original, que
Christopher Nolan a mis dix ans à écrire. Comment vous êtes-vous immiscé
dans ce projet ? Leonardo DiCaprio : Je crois que j'ai été le premier à être
choisi, au sein de la distribution. Christopher voulait que le héros
principal soit casté, de façon à pouvoir travailler en profondeur tout
autour de lui. Il était important de travailler sur le script et de me
laisser le temps d'entrer dans cet entrelacs de rêves, de sub-
conscient. C'est presque s'immerger dans des séquences de high octane et
en même temps faire une séance de psychanalyse.
C'était plus compliqué que d'habitude ? Oui, car il faut expliquer au public un puzzle, avec des territoires
inconnus. Il y a donc peut-être un peu plus d'insécurité. C'est un film
conceptuel, totalement fou.Le public va se dire : "Mais que se
passe-t-il ? C'est un monde que je n'ai jamais vu"!
A ce stade de votre carrière, quels types de rôle recherchez-vous ?
Ou quels types de défi voudriez-vous relever ? Ce qui m'excite, ce sont les projets qui vont me faire beaucoup
réfléchir. Où je n'aurai pas a priori toutes les réponses sur mon
personnage. J'adore enquêter, faire des recherches. Il faut que le
personnage ait de multiples motivations et souvent qu'il ait réellement
existé. Prenez le personnage de Howard Hughes [dans
The Aviator,
de Martin Scorsese, NDLR] : un millionnaire qui a peur des germes. Un
séducteur, mais qui est aussi obsédé et compulsif. Alors, quand vous
trouvez un personnage inventé, qui n'a pas existé mais qui a cette
complexité, c'est ce qu'il y a de mieux pour moi.
Avez-vous déjà eu des regrets ? Oh, bien sûr !(Il rit.) C'est ce qui est génial dans le cinéma : on
ne sait pas ce que sera le résultat final. On ne sait jamais si ce sera
le plus grand film de l'Histoire ou la plus grande performance d'acteur
de l'Histoire ! C'est indétectable. Parfois, on croit toucher le public
pour telle raison, et c'est en fait pour une autre raison que le public
est touché. Et plus je travaille, plus j'avance, plus je découvre des
trucs, des chemins pour explorer un personnage... Mais il n'y a
réellement aucune certitude. La collaboration avec les autres acteurs
est cruciale. Il y a des moments où il n'y a pas d'alchimie, où ça ne
prend pas. Et il y a des moments sur un plateau où je me dis que c'est
l'instant le plus puissant que j'aie jamais vécu.
Votre meilleur souvenir du tournage parisien ? Nous avons carrément fait sauter tout un pâté de maisons !
Littéralement, nous avions tous ces explosifs placés tout autour de nous
à la terrasse de ce café : la séquence devait être lente, au ralenti.
Et nous devions rester stoïques. Vous parlez souvent d'"expérience" pour
qualifier un tournage. Expliquez-nous. Je veux parler du travail. J'ai
collaboré avec des gens comme De Niro, Meryl Streep ou Daniel Day Lewis :
ils placent la barre tellement haut et ils m'inspirent. Pendant les
cinq ou six mois que durent la préparation et le tournage d'un film, je
ne fais que cela. Je rentre à la maison et je me concentre sur ce que
j'aurai à faire le lendemain. C'est cela, l'"expérience" d'un film :
tout le monde tend vers la même direction pour, espérons-le, faire le
meilleur film possible. Nager dans cette ambiance m'aide à oublier tout
ce qu'il y a autour d'un tournage.
Laissez-vous l'instinct s'imposer ? Je me souviens, lorsque j'étais jeune, je regardais ces films de
Scorsese et je me demandais : "Qu'est-ce qui fait que j'ai envie de le
revoir encore et encore ? Qu'est-ce qui fait que je suis ce
spectateur-voyeur ? C'est si intime !" Et quand j'ai travaillé sur
Blessures
secrètes, j'ai compris. L'improvisation n'est possible que si votre
personnage est profondément enraciné en vous. Il faut créer une
backstory. Marty [Scorsese] crée tout un monde autour de ses
personnages. Et quand j'observe Daniel [Day Lewis] ou De Niro se
préparer, cela me donne tellement d'outils ! Et puis, si je considère le
réalisateur comme un père ou un grand frère sur un plateau, qui me
guide, mon personnage, en revanche, c'est moi seul qui en suis le
pilote. Et je vais me battre pour lui au maximum.
Quel personnage avez-vous le plus aimé préparer ? Dans
The Aviator, c'est la première fois que j'ai pris
possession d'un film dans son ensemble, et pas seulement d'un
personnage. J'ai trouvé ce livre, j'ai développé le scénario, fait venir
Scorsese. C'est mon idée, ce n'est pas quelque chose qu'on m'a proposé.
Je devais arriver sur le plateau en sachant tout de lui. J'ai fait mon
road trip personnel en rencontrant des gens qui avaient vraiment côtoyé
Howard Hughes. J'ai vécu pendant une semaine avec quelqu'un
d'obsessionnel et compulsif, persuadé que, s'il ne se lavait pas cinq
fois les mains, il allait mourir... J'ai aussi passé du temps avec un
docteur spécialiste de ces questions. J'ai lu l'intégralité des articles
et des livres et vu tous les documentaires consacrés à Hughes, ainsi
que les rapports médicaux le concernant. C'était important de le faire,
car c'est un personnage clé de l'Amérique : il a été le premier
industriel milliardaire, un play-boy de Hollywood. Pour la séquence du
procès, j'ai regardé en boucle pendant deux jours la seule image
d'archives disponible et connue de tous, pour comprendre comment et
pourquoi il s'est mis en colère. Je me sentais vraiment responsable de
ce personnage.
Vous avez un faible pour les fous... J'aime jouer des personnages qui ne veulent pas forcément dire ce
qu'ils disent. C'est cela qui m'intrigue. Rien n'est plus barbant que de
lire un script où tout est dit, rien à rechercher (il rit). Quand je
regarde la plupart des derniers films que j'ai faits, ils ont tous cette
duplicité vis-à-vis du spectateur. Avec un narrateur en qui on ne peut
pas avoir confiance. C'est cela qui m'intéresse. Dans
Inception,
il se passe plusieurs choses simultanément qui peuvent échapper à mon
personnage et c'est génial.
Revenons à Inception. Comment avez-vous travaillé le rôle
de Cobb ? Ce fut l'un des personnages les plus difficiles à travailler. C'est
le contre-exemple d'
Aviator. J'ai essayé de faire un travail de
préparation similaire, mais cela n'a pas fonctionné cette fois-ci. Il a
fallu que je parle pendant deux mois tous les jours avec Chris [Nolan]
pour comprendre. J'ai eu besoin d'entrer dans son cerveau parce qu'il
fallait bâtir quelque chose de crédible, un périple émotionnel et
expérimental, avec un personnage lui-même en lutte avec son
subconscient. On a donc parlé et parlé, notamment de ces gens qui
avaient eu un grand traumatisme dans leur vie, récurrent dans leurs
rêves, et qui sabotent leurs objectifs dans la vie. Ici, il ne faut pas
perdre de vue le but principal de Cobb : retrouver sa famille.
Est-ce que vos personnages vous ressemblent ? Ils peuvent avoir les mêmes intonations que moi, mais je vous assure
qu'aucun de mes personnages n'est comme moi ! Pour " Inception ", j'ai
lu énormément de choses sur l'analyse des rêves, sur les aspects
scientifiques, sur l'époque aussi où tout cela a commencé à être connu.
Regardez Dali ou les films de Hitchcock, qui sont tous liés au rêve et à
l'inconscient ! Mais, en fin de compte, vous savez, il n'y a pas de
règles spécifiques qui s'appliquent aux rêves de Christopher Nolan ! Ce
n'est pas une science exacte. J'ai donc dû essayer de comprendre ce
qu'il y avait dans son cerveau et dans les règles qu'il établit pour
bâtir ces mondes. C'est le seul réalisateur qui rend la science-fiction
abordable, avec des références culturelles. Regardez
Batman.
C'est un film sur un super-héros et pourtant, quand on voit le Joker, on
se dit : "J'ai déjà vu un terroriste comme cela"" ou " J'ai déjà vu des
millionnaires comme cela".
Vous êtes devenu très jeune une star. Comment avez-vous fait pour
ne pas exploser en vol ? Vous savez, je viens du monde du cinéma indépendant. Lorsque
Titanic s'est présenté, j'ai cru au script, mais je n'avais rien fait d'aussi
gros, et personne ne prévoyait que cela allait devenir aussi énorme.
J'ai fait du mieux que j'ai pu pour m'en servir à bon escient, pour me
stimuler. J'ai pris de longues vacances après. Et puis j'ai mes modèles,
que je regarde et que j'essaie d'égaler dans la qualité. Aujourd'hui,
je sens que je n'en suis pas tout à fait là. J'espère que, quand j'aurai
80 ans, je pourrai me dire : "OK, tu as accompli ce niveau de
performance à quelques reprises." J'ai cette faim en moi. Et puis, après
Titanic, j'ai essayé de rester celui que j'étais à 15 ans, qui
savait pourquoi le cinéma le passionnait autant.
Précisément, quels sont vos modèles ? J'en ai beaucoup. Je crois que Meryl Streep est la meilleure au
monde, acteurs et actrices confondus. J'ai toujours aimé James Dean, car
il avait quelque chose de vulnérable. De Niro et Day Lewis pour leur
éthique, leur travail et le sacrifice que cela représente. Jack
Nicholson pour son esprit libre et sa capacité à jouer, y compris avec
le danger.
Le projet du biopic sur Edgar Hoover avec Clint Eastwood à la
réalisation va-t-il se faire prochainement ? Nous en avons parlé, c'est tout. Le script est formidable, mais nous
n'avons pas encore de date de préparation ou de production.
Au fait, avez-vous fait une psychanalyse ? Bien sûr !(Il rit.) Pas une analyse basée sur les rêves, cependant.
C'est clair que cela aide. Finalement, on s'attache à des choses qui
sont liées à notre passé, mais on peut aussi envisager l'avenir avec
d'autres règles du jeu. Je crois aussi au fait que notre inconscient
s'exprime lorsque notre cerveau est au repos. D'ailleurs, la plupart des
idées importantes que je peux avoir m'arrivent au réveil.